« L'Europe est la servante des Etats-Unis. Ils sont trop lâches pour adopter une position indépendante »
Noam Chomsky : l'interview qui dénonce l'Occident
Il est l’un des plus grands intellectuels du monde, auteur prolifique et anarchiste autoproclamé. A 86 ans (en 2015), l‘âge ne semble pas le ralentir. Il combat toute une série d’injustices, avec l’Occident en général dans sa ligne de mire.
Noam Chomsky as reçu Isabelle Kumar d'Euronews dans son bureau à l’Institut de Technologie du Massachusetts.
Isabelle Kumar, euronews :
Noam Chomsky merci d‘être avec nous. Le monde en 2015 semble très instable, mais d’une façon générale, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste ?
Noam Chomsky :
Au niveau mondial, nous courons vers un précipice : nous ne pouvons que chuter dans l’abîme, ce qui réduit fortement nos chances d’une survie décente.
Isabelle Kumar, euronews :
De quel précipice s’agit-il? ...
[...]
Sur Poutine.
Isabelle Kumar, euronews :
Quel portrait faites-vous de Vladimir Poutine ? Il est décrit comme l’une des plus grandes menaces pour la sécurité, non ?
Noam Chomsky :
Comme la plupart des dirigeants, il est une menace pour sa propre population. Il a décidé des actions illégales, évidemment. Mais le décrire comme un monstre fou qui souffre d’une maladie du cerveau et qui est atteint d’Alzheimer, une créature maléfique, c’est un standard de fanatisme orwellien. Je veux dire, quoi que vous pensiez de ses politiques, elles restent logiques. L’idée que l’Ukraine puisse rejoindre une alliance militaire occidentale serait inacceptable pour tout dirigeant russe. Cela remonte à 1990, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée. Il y avait déjà la question de ce qui se passerait avec l’OTAN. Gorbatchev a accepté l’idée que l’Allemagne soit unifiée et rejoigne l’OTAN. C‘était une concession assez remarquable avec un quiproquo : que l’OTAN ne s‘étende pas d’un pouce vers l’est. C’est l’expression qui a été utilisée.
Isabelle Kumar, euronews :
Donc, la Russie est tombée dans une provocation ?
[...]
Sur l'Europe.
Isabelle Kumar, euronews :
Comment voyez-vous l’Europe se transformer ?
Noam Chomsky :
L’Europe a de graves problèmes. Certains sont le résultat de politiques économiques conçues par les bureaucrates de Bruxelles, la Commission européenne et ainsi de suite, sous la pression de l’OTAN et les grandes banques, surtout celles de l’Allemagne. Ces politiques ont un certain sens du point de vue des concepteurs. Ils veulent être remboursés pour leurs prêts et leurs investissements risqués et dangereux. Ces politiques érodent l’Etat-Providence, qu’ils n’ont jamais aimé. L’Etat-Providence est l’une de ces contributions majeures de l’Europe à la société moderne, mais les riches et puissants ne l’ont jamais aimé.
Il y a un autre problème en Europe : cette dernière est extrêmement raciste. J’ai toujours pensé que l’Europe est plus raciste que les États-Unis. Jusqu’ici ce n‘était pas aussi visible en Europe parce que les populations européennes dans le passé ont eu tendance à être assez homogènes. Donc, si tout le monde est blond aux yeux bleus, alors vous ne semblez pas raciste, mais dès que la population commence à changer, le racisme vient de nulle part. Très vite. Et c’est un problème culturel très grave en Europe.
Lire le texte intégral de l'interview et la biographie de Noam Chomsky par Euronews • Mise à jour: 17/04/2015.
A propos de l'Horloge de l'Apocalypse citée dans l'interview.
21 janv. 2022 — Il ne reste plus que cent secondes à l'humanité avant la fin du monde, selon l'Horloge de l'Apocalypse, qui vient d'être réactualisée.
« Les risques auxquels l’humanité doit faire face sont toujours la prolifération nucléaire, le changement climatique et la pandémie, exacerbés par "un écosystème de l’information dysfonctionnel qui sape la prise de décision rationnelle", note l’organisation. Davantage que les années précédentes, la question de l’information est vue comme cruciale par l’ONG. Herb Lin, expert en sécurité numérique, s’inquiète ainsi qu’aucun "argument rationnel" ne suffise désormais à persuader des personnes aux croyances bien ancrées, conduisant à des "fractures dans notre compréhension commune de ce qui est vrai" ».
L’horloge de l’apocalypse indiquait à sa création minuit moins sept. En 1991, à la fin de la Guerre froide, elle avait reculé jusqu’à 17 minutes avant minuit. En 1953, ainsi qu’en 2018 et 2019, elle affichait minuit moins 2 minutes en raison du changement climatique. Et maintenant avec la crise de l’Ukraine ?